Fictions de rues (4) : L’obole
Il ne parle pas. Il s’est assis par terre. À hauteur des chaussures des hommes. Il les regarde, elles portent la poussière de cette ville, plus grise que chez lui. Il a déposé sa mémoire sur les semelles des hommes et avec elles, elle est allée, au-delà des terres et des mers. Il a eu des mots dans la tête, avant, mais il ne s’en souvient plus bien. Dans sa bouche il n’a pas une langue il en a deux, trois, quatre peut-être. Dans chaque pays il lui poussait une nouvelle langue dans la bouche. À force elles se nouent et les mots ne sortent plus correctement.
Mais les arômes, ça, oui, il s’en souvient. La cannelle et le clou de girofle, on les mêlait à la pâte et au miel.
Il s’est assis par terre, à la sortie d’une boulangerie. Il sent les odeurs du pain s’échapper du soupirail, tôt le matin. Il respire le pain à peine sorti du four. Il a les yeux à terre. À hauteur des chaussures vernies. Il a le bras tendu, dans sa paume ouverte, il tient une sébile. Il ne parle pas. Les mots, il les garde sous son palais.
Parfois, un passant lui offre l’obole d’un mot dans son gobelet.
Londres – Alo
Votre commentaire