– littérature

Etude de la nouvelle d’Ella Balaert, « Chers petits soldats », par Léo Lamarche

par Léo Lamarche, écrivain (romans, nouvelles), agrégée de letttres, devenue journaliste et chroniqueuse.

Découverte d’une nouvelle : Chers petits soldats d’Ella Balaert.

 

 Avec un grand merci à Léo Lamarche, qui m’a autorisée à reproduire ette étude.

 

Présentation de la nouvelle

Passion, noirceur, complot et vengeance ? Certes. Mais derrière la férocité des apparences, se dissimule la nature sensible du jeune narrateur, et sa si profonde solitude… De quoi donner à une classe de collège matière à lire, à réfléchir, à discuter. Quelques-uns s’identifieront au personnage, d’autres se rebelleront contre son monstrueux dessein, tous goûteront au passage la qualité d’une écriture maîtrisée…

 

Extrait du texte

Ella Balaert

 Chers petits soldats

Aujourd’hui, 23 octobre, papa m’a offert le dixième soldat de plomb de ma collection, ce qui veut dire que maman et lui se sont séparés ça fait neuf ans. C’est un soldat d’infanterie allemande de la deuxième guerre mondiale ; il est en tenue d’hiver.

J’ai eu onze ans voici vingt-trois jours exactement. Papa n’était pas là. Pourtant, c’était un samedi et ça n’arrive pas tous les ans, que mon anniversaire tombe en fin de semaine. Mais ce n’était pas un bon week-end.  On n’a le droit de se voir que les week-ends A, et c’était un samedi B. Je le sais parce que les semaines B, j’ai piscine au collège et j’y étais allé la veille. Cinq fois vingt-cinq mètres nage libre. Facile. Pourtant, je déteste l’eau. Il n’y a pas d’exception pour les samedis d’anniversaire : A, c’est papa ; B, c’est piscine et maman.

Maman … et les autres. L’oncle François, l’oncle Emmanuel et la tante Christiane, Emilie, Jonathan et Karine, mes cousins, la vieille voisine, papy et mamy : dix, ils sont. Le club des dix. Tous les ans, tous en chœur, joyeux anniversaire, bougies et applaudissements. J’ai craché sur le gâteau en soufflant les bougies. Ils n’ont rien vu. Ils n’ont rien dit, en tout cas. Peut-être que ça se remarquera sur le film. Ça ne changera rien. J’ai tous les droits, les jours d’anniversaire. J’ai filmé mamy devant le bouquet de roses que Papy lui avait offert la veille. Vingt-cinq, j’en ai compté. Elle a gloussé quand je lui ai dit le chiffre, oh la la, mamy, vingt-cinq roses !  Elle a rosi. Je déteste les fleurs.

Et le samedi A suivant, papa avait une réunion. M’a-t-il dit.  Une réunion un samedi, je me demande jusqu’à quand il me prendra pour un con. Il me fait le coup deux week-ends sur trois. Résultat, je n’ai eu mon cadeau qu’aujourd’hui. Papa, sur ma liste, ce sera le numéro un. 

 

Descriptif de la séquence :

Références aux programmes :

Au collège, une place importante est donnée à la réception (lire et écouter) et à la production (dire et écrire) de textes narratifs. C’est dans ce projet que s’inscrit cette étude qui vise à renforcer les connaissances de base en matière de narratologie, à éveiller la « sensibilité esthétique des élèves et le goût de lire, d’écrire, de raconter ».

 

Objectifs :

-Lire un texte avec méthode

-Acquérir ou conforter les notions élémentaires de : narrateur, auteur, personnage et étudier la structure fondamentale du récit.

-Dégager les caractéristiques formelles de la nouvelle et du genre « noir ».

-Apprendre à donner son avis, à formuler une opinion.

Prérequis :

-Savoir distinguer les différents types de textes.

-Connaître les différentes étapes du schéma narratif.

-Avoir déjà étudié un conte merveilleux.

 Conduite

L’étude s’organise en six séances d’une heure environ qui peuvent s’échelonner sur une semaine et demie de cours. Les quatre premières séances  s’ouvrent sur une lecture méthodique et visent à la découverte progressive du texte, la cinquième pose la question du genre et la dernière dresse le bilan des acquis de la séquence et vise à leur réemploi dans la construction d’un texte narratif. Les activités de langue sont, dans la mesure du possible, « décloisonnées » et incluses dans le cours des séquences, pour inciter la classe à partir des faits de langue et approfondir ainsi la lecture du texte. Des suggestions de prolongements permettront aux élèves de travailler autour de la nouvelle et d’approfondir leurs acquis.

Séance Titre/dominante Principaux outils de la langue
1 Entrer dans la nouvelle Communication et niveaux de langage
2 Le narrateur et les autres Le discours indirect libreLe lexique des sentiments
3 Le mécanisme de la vengeance Nommer et caractériserLe discours direct
4 Une nouvelle noire L’organisation du texte narratif
5 Bilan/oral Donner son avis, types et formes de phrase, lexique.
6 Écrire une nouvelle Méthode : corriger son brouillon

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Séance 1 => Entrer dans la nouvelle

Support : ligne 1 à la fin du 4° paragraphe « Papa, sur ma liste, ce sera le numéro un. »

Objectifs :

-Découvrir les fonctions de l’incipit

-Distinguer auteur, narrateur, narrataire et personnage

-Comprendre l’installation des attentes de lecture.

Conduite : les élèves n’auront pas lu la nouvelle avant cette séance : ils doivent utiliser les indices de l’incipit pour proposer des hypothèses sur la suite de la nouvelle. Après un temps de recherche/réflexion, il sera répondu oralement.

Questions-découverteI-La nature de la narration1-À quel type de texte avez-vous affaire ? Quel est le sujet de ce texte ?2- a-Qui dit « je » dans cette histoire ? Est-ce un personnage masculin ou féminin ? Relevez une preuve orthographique.

b-À qui s’adresse le narrateur, à votre avis ?

3-S’agit-il d’une histoire fictive ou réelle ? Qui l’a écrite et à qui est-elle destinée ?

II-Le moment et le lieu de la narration

4-L’histoire se déroule-t-elle dans le passé ? À l’époque contemporaine ? Quel(s) indice(s) nous le prouve(nt) ?

5-À quelle date le récit commence-t-il ? Que s’est-il passé auparavant ? À quelle date tombe l’anniversaire du narrateur ?

6-Relevez les compléments circonstanciels de temps dans les deux premiers paragraphes. Que remarquez-vous ?

III-Des relations tendues

7- Faites la liste de ce que nous apprennent ces quatre paragraphes sur la situation initiale du récit (situation du narrateur, sentiments; caractère, particularités et relations entre les personnages).

8-Pour quelle raison, à votre avis, l’enfant a-t-il craché sur le gâteau? Qu’indique ce comportement ?

9-Que signifie, à votre avis, la phrase : « Papa, sur ma liste, ce sera le numéro un » ? À quoi peut s’attendre le lecteur ? Quelles questions se pose-t-il ?

Éléments de réponse

I-La nature de la narration

1-C’est un texte narratif (qui raconte une histoire, réelle ou non, avec des événements, un début et une fin) à la première personne. Ici, un enfant raconte l’anniversaire de ses onze ans.

2- a-Le narrateur est un garçon : l’accord du participe passé « J’y étais allé la veille » le prouve.

b-La nature du texte est assez ambiguë. Le titre à valeur d’en-tête « Chers petits soldats » pourrait faire penser à une lettre, mais il n’y a pas de trace de destinataire. Le sujet abordé (qui fait partie du quotidien) et la spontanéité du ton pourraient faire penser à un journal intime, mais on n’y retrouve pas les indices stylistiques du journal. Il s’agit donc d’un monologue intérieur, le narrateur s’adressant à lui-même. On fera remarquer aux élèves que, malgré le procédé en soi assez artificiel, le lecteur se prend au jeu de la première personne.

3-On vérifiera que les élèves ne confondent pas Ella Balaert, l’auteure du récit et le jeune narrateur-personnage de ce témoignage fictif. La nouvelle étant, bien entendu, écrite pour un lecteur.

=> Outils de la langue – Grammaire de discours : la communication écrite, différée.

II-Le moment et le lieu de la narration

4-L’histoire se déroule vraisemblablement dans un univers contemporain des élèves mais ce n’est pas précisé. En outre, certaines réalités nous sont familières et peuvent faire partie du quotidien des élèves, comme le grand désordre familial dans lequel vit l’enfant de parents divorcés (alternance des semaines, reports, absence du père à l’anniversaire).  On fera remarquer aux élèves, cependant, son aspect intemporel (la déception de l’enfant, par exemple).

5-Le récit commence un vingt-trois octobre. Le narrateur vient de recevoir un cadeau de son père, avec vingt-trois jours de retard.

6-Dans les deux premiers paragraphes et le quatrième, les très nombreux compléments circonstanciels de temps traduisent une véritable obsession du narrateur. Aujourd’hui, 23 octobre / ça fait neuf ans / voici vingt-trois jours / un samedi / tous les ans / en fin de semaine / les week-ends A / « un samedi B » : « les semaines B / la veille / Le samedi A suivant / un samedi / deux week-ends sur trois / aujourd’hui.

=> Outils de la langue – Grammaire de discours : les mots qui renvoient à la situation de communication (mots désignant l’émetteur, temps des verbes, mots qui désignent le lieu et le moment)

III-Des relations tendues

7- La situation initiale (qu’on demandera aux élèves de résumer en quelques mots) nous informe sur :

-la situation du narrateur : un enfant de parents divorcés, quelques jours après ses treize ans

-ses sentiments (frustration, colère larvée)

-son caractère : déluré, décidé, lucide

-sa particularité essentielle : l’ironie glaciale que l’on sent derrière ses propos

-Les relations semblent tendues entre les personnages : l’enfant se met en scène face au père absent, face au « clan maternel » et à la trahison des adultes en général. On remarquera l’isolement du narrateur.

8-Il crache sur le gâteau pour se venger des adultes qui « font semblant » et manifestent une joie hypocrite. Cette première vengeance, à l’échelle d’un enfant, préfigure la vengeance finale.

9-On incitera les élèves à formuler des hypothèses de lecture quant à la suite du texte à partir des indices qu’ils ont pu repérer dans les quatre premiers paragraphes.

=>Outils de la langue : les différents niveaux de langage, le niveau de langage du narrateur.

=> L’ouverture d’une nouvelle doit être claire, précise concise. Elle doit répondre aux différentes questions que se pose le lecteur : Qui ? (le « je » narrateur-personnage) ; Quoi ? (description de la frustration de son anniversaire) ; Quand ? (à l’époque contemporaine) ; Où ? (dans une famille de parents divorcés).

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Séance 2 => Le narrateur et les autres

Support : de « Toujours le même cadeau et toujours le même topo. » à « … ça leur apprendra ».

Objectifs :

-Distinguer les différentes voix narratives.

-Faire le point des informations du texte sur la personnalité du narrateur.

Conduite :

Les questions proposées ici, auxquelles il sera répondu oralement, représentent davantage des « accroches » qui visent à conduire les élèves à l’étude du fait de langue et, à partir de celui-ci, affiner leur compréhension du texte.

Questions I-Un personnage, plusieurs voix 1-Qui parle dans le cinquième paragraphe ? Est-ce seulement l’enfant ?2-Soulignez dans le paragraphe les paroles prononcées par d’autres personnages.

3-Pourquoi, à votre avis, l’auteure a-t-elle choisi d’employer ce type de discours ?

II-Le narrateur et les adultes

4-Comment l’enfant juge-t-il le « club des dix » ? Relevez la phrase qui le montre. Quelles sont les caractéristiques de la mère ? De l’oncle et de la tante ?

5-À partir de la réponse de la mère : « J’en voyais déjà assez comme ça, j’étais suivi et elle était assez grande pour savoir ce qu’elle avait à faire » trouvez la question ou la réflexion qui est à l’origine de cette réaction. Quelle est l’intention de l’émetteur ?

6-Relevez les termes et expressions par lesquels le narrateur exprime son jugement sur sa mère. Sur les adultes en général. Qualifiez ce jugement.

III-Un regard ironique

7-Que pense l’enfant de son psychologue ? Relevez les termes et expressions qui marquent son jugement.

8-Relevez deux jeux de mots dans le passage. Que nous apprennent-ils sur la personnalité du narrateur ?

9-Pourquoi l’enfant dessine-t-il à présent des fleurs alors qu’il déteste les fleurs ?

Éléments de réponse

I-Un personnage, plusieurs voix

1-Dans ce paragraphe, le narrateur rapporte les paroles de son père et de sa mère au style indirect libre : il mêle leur voix à la sienne pour mieux faire exister ces personnages absents physiquement.

2-Pour le père : « C’est précieux, ça coûte cher, c’est pas un jouet, faut que j’en prenne soin, quand je serai grand, ça vaudra une fortune et bon anniversaire, petit. » Et pour la mère :  » Ah ah, le jour où ton père est parti vivre ailleurs et où t’as failli mourir, ah ah. »  » bouhouh, « . On demandera aux élèves de qualifier le ton des paroles, sérieux pour le père, tragi-comique pour la mère qui passe sans transition du rire aux larmes.

3-L’auteure a choisi ce type de discours pour rendre vivants (et pittoresques) les personnages essentiels de la relation familiale. Le style indirect libre justifie par l’exemple l’agacement de l’enfant et montre à quel point le narrateur porte un regard froid sur ses proches (il reste indifférent aux larmes de la mère).

=>Outils de la langue –  Rapporter des paroles dans un récit : le discours indirect libre (approche). Les autres formes de discours. Exercices de transformation du paragraphe au discours direct et indirect. Conclusion sur sa valeur stylistique.

II-Le narrateur et les adultes

4-L’enfant juge sévèrement le « club des dix ». À leur première apparition (paragraphe 3), sa description en apparence objective est une condamnation implicite de leur hypocrisie. Au sixième paragraphe, il les présente comme des êtres égoïstes. Dans le dernier paragraphe de l’extrait, il formule clairement son jugement « ils m’énervent ».

La mère est caractérisée par ses sautes d’humeur, son incompréhension (épisode des dessins) et par sa trahison (même épisode). Elle partage avec Jonathan une même admiration agaçante pour le narrateur.

Les oncles et tante sont représentés par leur métier :  » Un prof de maths, un comptable et une conseillère d’orientation, merci du cadeau !  » et caractérisés par leur attitude condescendante (et humiliante) face à l’enfant « perturbé ».

5-La phrase peut être : « Il faudrait peut-être consulter quelqu’un ». On demandera aux élèves de la transformer en phrase impérative, exclamative, interrogative. L’émetteur désire obtenir une réaction de la mère (faire examiner le narrateur ou l’hospitaliser).

6-La mère du narrateur paraît dépassée, ses pleurs récurrents sont le symptôme de son impuissance. L’enfant la résume tout entière dans une phrase lapidaire : « Un mariage raté et la fichue manie d’acheter des chaussures hors de prix ». Les autres membres de la famille la traitent comme une gamine et le narrateur aussi.

Dans son discours, l’enfant paraît beaucoup plus sage que les adultes qu’il juge sévèrement : « des gens qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas » et qui lui inspirent un profond dégoût. « Ils m’énervent », j’ai horreur de ça, leur espèce de douceur… » « Berk. » « L’horreur ».

=>Outils de la langue – Recherche lexicale : des mots pour exprimer ses sentiments.

III-Un regard ironique

7- L’enfant évoque surtout la bêtise du personnage : « il ne comprend pas le jeu de mots. Il ne se sent pas visé. » Le psychologue ne réalise pas que l’enfant le manipule et lui raconte des « bobards ». Il mésestime son intelligence, ce qui est une autre façon de l’humilier.

8-Les deux jeux de mots sont « guerre de trachée » et « Je suis suivi ». Le narrateur manipule les mots, comme les gens.

9-L’enfant s’est senti trahi quand sa mère a dévoilé ses dessins à son psychologue. Il réagit par le repli sur soi, dissimule sa vraie personnalité, marquée par la violence et adopte le comportement qui lui paraît répondre aux attentes des adultes.

=>Outils de la langue – Recherche lexicale : dire qu’on aime ou qu’on n’aime pas (une situation, un événement, un fait / un objet / une personne). S’exprimer avec un vocabulaire adapté. Adapter son niveau de langage à l’interlocuteur.

=> L’ironie du texte réside dans le contraste entre ce qui est dit (description en apparence objective des us et coutumes familiaux) et ce qui doit être compris par le lecteur : un père absent et indifférent, une mère irresponsable, une famille maternelle étouffante et condescendante.

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Séance 3 => le mécanisme de la vengeance

Support : de : « C’est un sergent d’infanterie qui m’a donné l’idée » à « … ça vient de mon père ».

Objectifs :

-Interroger le texte et dégager son message implicite

 

 Questions

I-Le sergent d’infanterie et le dragon léger1-Soulignez, dans la description des deux figurines, les termes et expressions dévalorisants.2-Pour quelles raisons l’enfant n’aime-t-il pas ces deux soldats ?3- Que réclame-t-il à son père ? Pour quelles raisons, à votre avis ?

II-La confusion des sentiments

4-Relevez, dans le passage, les paroles prononcées par le père. Quelle est l’intention de l’émetteur ? Son message est-il correctement reçu ?

5-Comment l’enfant interprète-t-il les paroles de son père ?

6-À l’aide d’adjectifs appropriés, qualifiez la personnalité du père, tel qu’il apparaît ici.

III-Une personnalité marquée par la violence

7-Peut-on dire de l’enfant qu’il est fasciné par l’armée Allemande ? Justifiez votre opinion à l’aide de deux exemples pris dans la nouvelle.

8-Relevez, depuis le début du texte, un exemple de violence verbale. Relevez un geste violent, une situation violente. Peut-on dire du narrateur qu’il a un caractère violent ?

9-Appréciez-vous la personnalité du narrateur ? Expliquez vos raisons.

 

I-Le sergent d’infanterie et le dragon léger

=> Outils de la langue : Nommer et caractériser / Les comparaisons dévalorisantes.

1-Les termes et expressions dévalorisants sont nombreux dans ce passage, preuve d’un jugement péjoratif. Le sergent d’infanterie est décrit comme : « faux, fourbe et mesquin » / « il tient son arme d’hast comme un balai » / s’il s’apprête à nettoyer la porcherie »

Le dragon léger : « sanglé » / « l’air d’avoir des cors aux pieds dans ses hautes bottes. » « il n’arrivait pas vraiment à avoir l’air terrible, « un genre de hoplite britannique devant une tasse de thé ».

On distinguera les adjectifs et participes passés et les comparaisons péjoratives.

2-Ces deux figurines ne plaisent pas à l’enfant car elles ont été choisies au hasard par le père et les soldats ne présentent pas toutes les caractéristiques de virilité et de pugnacité qu’il s’attend à trouver dans ses soldats de plomb.

3- Le narrateur réclame à son père des soldats de l’armée allemande, symbole à ses yeux de l’ordre et de la discipline (symbole aussi pour le lecteur de cruauté, mais pas forcément pour l’enfant). Cet ordre et cette discipline répondent au désordre familial qu’il subit malgré lui.

II-La confusion des sentiments

=> Outils de la langue : le discours direct, sa présentation et sa ponctuation.  

4-Les paroles prononcées par le père figurent dans le texte au discours direct, mais sans sa disposition et sa ponctuation spécifiques.

A-Et de six. Six ans que je suis parti, bonhomme, et t’as déjà l’âge de raison ! Je ne te vois pas grandir, bon anniversaire quand même.

B-Toi, tu collectionnes les soldats, moi, c’est les femmes, ah ah,

C-T’es sûr? C’était pas des gentils, les allemands,  tu sais, pendant la guerre.

Une fois dégagées du récit, les paroles du père paraissent extrêmement maladroites. L’intention de l’émetteur est de faire preuve de gentillesse, mais son message n’est pas correctement reçu.

5-L’enfant interprète les paroles de son père comme une marque de désintérêt (A), une réflexion cruelle (B), une marque de mésestime (C) (le père sous estime l’intelligence de son fils).

6-Le père paraît indifférent (« je ne te vois pas grandir »), cruel (tous les ans, il ritualise la scène traumatisante de son départ par l’intermédiaire du cadeau), incapable d’exprimer son affection et dépourvu de toute psychologie.

III-Une personnalité marquée par la violence

7-Cette armée exerce une véritable fascination sur l’enfant, à preuve la liste des soldats qui renvoie à la liste de ses futures victimes. À preuve aussi les patibulaires qu’il imagine à l’usage de son psychologue : « : je décris des hommes en imperméables noirs, de gros colosses,  pitbulls au poing, casqués, qui parlent avec un accent germanique. »

8-Le narrateur fait preuve de violence verbale :  » Pas léger, le débile : profond. Profond, que je vais la leur mettre, moi. ça leur apprendra. » Et de violence dans certains gestes (cracher sur le gâteau d’anniversaire »). Par contre, les situations violentes sont celles que les adultes lui font subir : larmes de la mère à chacun de ses anniversaires, rappel de la scène traumatique, l’oncle et la tante qui l’humilient. On peut se poser la question de la violence réelle de son caractère et se demander si sa haine et son désir de vengeance ne sont pas des formes de « légitime défense » face aux agressions extérieures.   

9-On fera remarquer aux élèves la différence entre le narrateur de « Chers petits soldats » et le héros d’un conte traditionnel. Le dernier présente une personnalité positive, tandis que l’enfant a une personnalité ambiguë : violente, froide et cruelle / solitaire, frustrée et en manque d’amour.

 

        =>Il faudrait peu de choses pour faire de l’enfant un héros positif : le reconnaître, le comprendre et lui accorder une place réelle dans la famille.

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Séance 4 => Une nouvelle noire

Support : Chers petits soldats, texte intégral.

Objectif :

-Analyser la composition d’un récit.

-Découvrir les caractéristiques de la nouvelle

-Découvrir les caractéristiques du genre noir

Conduite :

Les élèves découvrent chez eux la fin de la nouvelle et on leur demande, également à la maison, de répondre par écrit à la question 1 après avoir relu le texte dans son intégralité.

QuestionsI-Une chute dramatique1-À quel usage l’enfant destine-t-il ses soldats de plomb ? Comment appelle-t-on ce type de crime ?2-Que désire le narrateur, dans ce récit ? Qu’est-ce qui l’incite à l’action ? Pour qui ou pour quoi agit-il ? Qui l’aide dans son projet ? Qui s’oppose à lui ?

3-Repérez et soulignez, depuis le début du texte, les indices qui annoncent la chute. Quel est l’effet produit sur le lecteur ?

II-Un récit non linéaire

4-Quel est le fil directeur du texte ?

5-Retrouvez les différentes scènes de l’histoire et remettez-les dans l’ordre chronologique. Que remarquez-vous ?

6-Y a-t-il dans ce texte un événement qui fait progresser l’action ? Un élément de résolution ? Quelle est la situation finale ?

III-Une nouvelle noire

7-Comparez la structure narrative de Chers petits soldats à la structure narrative d’un conte que vous avez étudié. Que remarquez-vous ?

8-Voici les six « ingrédients » d’un récit policier traditionnel : le coupable – le crime – la victime – le mobile – le mode opératoire – l’enquête. Lesquels sont présents dans le texte ? Sur lequel ou lesquels l’auteure choisit-elle de faire porter l’accent ? Quel élément essentiel manque, pour faire de cette nouvelle un récit policier ?

9-Choisissez parmi les réponses possibles et justifiez votre choix.

-Cette nouvelle est une histoire brève/une histoire longue.

-L’histoire est invraisemblable / réaliste.

-De nombreux événements rythment le récit / Le récit est centré autour d’un événement principal.

-Les personnages sont peu nombreux / plusieurs personnages apparaissent physiquement dans le récit.

-Le récit se déroule sur un temps long / un temps bref.

-Les lieux sont précisément décrits / les lieux n’apparaissent presque pas.

 

Éléments de réponse

I-Une chute dramatique

1-L’enfant veut fondre ses soldats de plomb pour en faire des balles et tuer, c’est un meurtre prémédité.

2- Le schéma actantiel du narrateur souligne sa misanthropie.

Destinateur                                                              destinataire

Désir de vengeance                                    Lui-même

Exaspération, haine

Sujet

Le narrateur

Objet

Eliminer ceux qu’il déteste

Adjuvants                                                                Opposants

Son copain de collège                                Le père, la mère et le club des dix, la secrétaire, le psy, la blonde

On remarquera que si le narrateur parvient à son but, il aura éliminé tous les personnages secondaires de la nouvelle et du coup tout son entourage. Son but ultime semble donc de se retrouver seul.

3-La chute est annoncée par la liste de l’enfant : « Papa, sur ma liste, ce sera le numéro un », « le psy, ce sera le douzième, après le club des dix ; et sa secrétaire ; qui me fait toujours poireauter debout, la numéro treize. » « Numéro quatorze, ce sera la blonde ». Cette énumération contribue à faire monter la tension dramatique et, pour le lecteur, le suspense qui sera résolu à la chute.

 

II-Un récit non linéaire

4-Le fil directeur du texte est l’obsession que manifeste l’enfant pour les listes (liste des soldats de plomb, liste de ses victimes) et les noms qui se succèdent dans un ordre déterminé par le narrateur d’après ses affects.

5- Les élèves remarqueront que le récit est principalement construit à partir de retours en arrière, qui parfois se chevauchent et décrivent de courtes scènes marquantes dans la vie du narrateur.

-Le premier soldat de plomb, le départ du père et la scène de l’hôpital.

-Le sergent d’infanterie offert le jour de ses sept ans

-La scène humiliante du couvert

-L’enfant et son psychologue

-Le dernier anniversaire

-« Aujourd’hui, 23 octobre ».

On notera que le texte est construit à partir d’allers et retours entre le second et le onzième anniversaire, entre la scène traumatisante et sa dernière répétition symbolique.

6-Contrairement à un conte, aucun élément ne vient faire progresser l’action, dans ce texte. Entre la situation initiale (l’enfant collectionne) et la situation finale projetée (les soldats serviront à faire des balles), n’intervient aucun événement modificateur.

=> Outils de la langue – Grammaire de texte : l’organisation du texte narratif (unité du sujet, progression et organisation de l’information, reprise de l’information, cohérence de l’information, répartition de l’information). 

III-Une nouvelle noire

7-Ceci n’est pas un conte. Contrairement à un conte, « Chers petits soldats » présente une  histoire sans péripéties ni rebondissements, qui passe d’une situation initiale qui perdure (« ça fait neuf ans que je suis prêt ») à une situation finale (le carnage) qui n’est que projetée. Entre deux, le temps du récit et de la nouvelle.

8-Ceci n’est pas vraiment un récit policier. Dans cette nouvelle, le coupable s’exprime à la première personne, le crime envisagé est la mort de quatorze personnes, victimes appartenant à l’entourage du narrateur. L’enfant n’a d’autre mobile que la vengeance. Le mode opératoire choisi est l’arme à feu.  Mais, contrairement aux récits policiers habituels, il n’y a pas d’enquête. L’auteure, dans cette nouvelle noire psychologique, choisit de faire porter l’accent sur le criminel et ses mobiles.

9-Le récit présente bien toutes les caractéristiques de la nouvelle. À partir de la réponse aux questions, on se mettra d’accord sur une définition de la nouvelle.  Cette nouvelle est une histoire brève (4 pages). L’histoire est réaliste (qui représente la réalité telle qu’elle est, le plus fidèlement possible). Le récit est centré autour d’un seul événement (l’acte prémédité). Les personnages sont peu nombreux (un seul prend la parole). Le récit se déroule sur un temps bref (Aujourd’hui). Les lieux n’apparaissent presque pas.

=> Le récit noir focalise principalement sur des personnages en crise, insérés dans une société réduite à ses aspects négatifs. Il se concentre ici sur le coupable et met au premier plan le monde familial déstructurant dans lequel il évolue. En revanche, le mode opératoire et le crime lui-même figurent au second plan, même s’ils sont essentiels à l’effet de chute.

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Séance 5 => Bilan/oral

Objectifs :

-Amener les élèves à s’interroger sur le sens implicite du texte

-S’exprimer à l’oral avec clarté et précision

-Appuyer son jugement sur des arguments et des exemples tirés du texte.

Conduite : La séance se déroulera sous forme d’un échange questions/réponses et ouvrira sur un débat oral. On incitera les élèves à appuyer chaque argument sur un exemple précis.

 

I-Un réquisitoire contre les adultes1-La dernière partie du texte commence par des mots de liaison, lesquels ?2-Quels aspects du texte le font ressembler à un texte argumentatif (qui vise à convaincre le lecteur à partir d’un raisonnement), ou explicatif ?3-Que veut obtenir le narrateur du destinataire du texte ? Que veut obtenir l’auteure du lecteur ?

II-Se faire une opinion

7-Ce texte vous a-t-il convaincu(e) ? Pourquoi ?

8-Récapitulez les raisons qu’a le narrateur de détester les adultes et donnez votre propre opinion sur le sujet.

9-Trouvez trois arguments visant à convaincre un(e) ami(e) de lire cette nouvelle.

III-La violence en questions

4-À votre avis, le crime aura-t-il lieu ?

5-N’y aurait-il pas une autre solution que le crime aux problèmes du narrateur ?

6-La violence aide-t-elle à résoudre les problèmes ?

Éléments de réponse

I-Un réquisitoire contre les adultes

1- « Et voilà pourquoi, aujourd’hui, j’ai reçu mon soldat d’infanterie. » L’élaboration en commun d’un court résumé à la première personne permettra de comprendre que le narrateur ne raisonne pas, sinon de manière affective et irrationnelle.

2- On trouve dans ce texte une longue énumération des différents soldats qui le font ressembler à un texte explicatif, ainsi qu’une démonstration (« 1: J’en vois assez… ») qui lui donne des allures d’argumentaire.

3- Le narrateur cherche à convaincre son destinataire qu’il a d’excellentes raisons de désirer assassiner sa famille. Il veut obtenir l’adhésion à son projet. L’auteure cherche à montrer au lecteur ce qu’est une personnalité « perturbée », attirée par la violence, elle cherche à ce que le lecteur réfléchisse.

II-Se faire une opinion

Les réponses à ces trois questions seront reformulées à partir des idées des élèves.

=> Outils de la langue : Les types et les formes de phrases qui peuvent servir à donner son avis.

III-La violence en questions

7-l’auteure, interrogée sur ce point délicat a répondu qu’à aucun moment elle n’a envisagé que le personnage puisse aller jusqu’à l’acte : « Le garçon de la nouvelle Chers petits soldats, n’a pas eu de chance. Un peu frappadingue, en rage et très malheureux, sans doute pour un faisceau de raisons convergentes. Reste à espérer que tout cela ne se déroule que dans sa tête. Il imagine, il se projette, il fantasme. Il paraît qu’aux états unis, des jeunes sont passés à l’acte, dans leur collège. Ils n’avaient peut-être pas eu l’occasion de parler. Les tabous font toujours des dégâts dans les têtes. J’aime assez raconter des histoires de personnages qui ont du mal à se situer, à se définir, à répondre à la fichue question « qui suis-je » ? Dans La lettre déchirée[1], le héros, 13 ans, cache à tout le monde qu’il ne sait pas lire, et lui aussi souffre de n’avoir pu mettre des mots sur une situation confuse, restée inexpliquée ». Certains élèves peuvent ne pas partager son avis et donner des exemples de faits divers réels.

8-On tentera de classer les solutions proposées selon qu’elles viennent des adultes (compréhension, modification du comportement) ou de l’enfant (parler, dire ce qu’il a sur le cœur, par exemple).

9-Les différentes réponses conduiront à un débat oral.

=> Outils de la langue : Expression orale : exposer son avis (de façon positive ou négative, nette ou nuancée) / exprimer son accord / exprimer son désaccord.

=>Pour obtenir l’adhésion du destinataire, on doit lui présenter des arguments (raisons ou preuves de ce qu’on expose). Ces arguments sont destinés à convaincre (on s’adresse à la logique, l’intelligence ou le bon sens du destinataire) ou à persuader (chercher à l’émouvoir, le séduire, toucher ses points faibles).

 

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Séance 6 => Écrire une nouvelle

Objectifs :

-Écrire, seul ou en équipe, un texte long en réutilisant les acquis de la séquence.

-Apprendre à corriger son brouillon.

Texte-support »Demain, je vais avoir quatorze ans. Il paraît que c’est le début de l’âge bête, de l’âge ingrat. Personnellement, j’ai le sentiment que c’est l’âge d’or. Quand j’observe les adultes et leur monde, je me demande où commencent et où finissent la bêtise et l’ingratitude.Je n’ai pas ce problème avec mes parents. Ce sont deux êtres adorables qui n’ont jamais levé la main sur moi. Ils sont très compétents en matière d’éducation et ont la collection complète des oeuvres de Françoise Dolto. Je ne suis pas de ces enfants délaissés, livrés à eux-mêmes, et je ne pense pas qu’à quatorze ans, on puisse avoir des parents plus extraordinaires. Peut-être pour compenser l’absence totale d’amis. À quoi me serviraient-ils ? »Jordy Grosborne, Le Marionnettiste, ecrivainsenligne.

 

Suggestions de conduite

I-Vers la suite de texte

1-Qui parle, dans ce texte ? À quel temps ? Quel est le niveau de langage employé par le narrateur ?

2-Relevez et classez les différentes informations de l’extrait.

3-Résumez, en une phrase, la situation initiale de cette ouverture.

4-Quel élément modificateur pourrait intervenir pour perturber cette situation initiale ?

II-Écrire une nouvelle

A-Inventer une intrigue simple et cohérente.

B-Vérifier la présence des éléments obligatoires.

C-Rédiger un résumé.

D-Présenter oralement son histoire.

E-Caractériser et nommer les personnages.

F-Donner sa forme au texte

III – S’évaluer avant de rendre son texte au professeur ou de le lire aux autres.

Grille d’auto-évaluation

Mise en pageStructure du texteContenu et sensLangue française

Procédés d’expression

Créativité

-Mon texte comporte des alinéas et des paragraphes.-Mon écriture est lisible et agréable.-J’ai écrit un texte de plus de 30 lignes-Le temps du récit est le présent

-Mon récit ne présente qu’un seul événement principal

-C’est une nouvelle noire : elle finit mal.

-Mon récit présente au moins trois éléments de la liste suivante : crime, coupable, victime, mobile, mode opératoire, enquête.

-J’évoque d’autres personnages que le narrateur, des lieux et des choses.

-Un événement met fin à l’histoire

-Mon récit est écrit à la première personne du singulier

-J’ai fait des phrases complètes (sujet, verbe, complément)

-Orthographe d’usage : maximum 4 erreurs (dictionnaire permis)

-Conjugaison : maximum 3 erreurs (manuel permis)

-J’ai fait parler les personnages au style direct, indirect ou indirect libre

-Mon récit est intéressant à lire

Mon récit est original : je l’ai créé de toutes pièces.

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Prolongements :

Atelier-théâtre :

– Lecture expressive du monologue, exercices de diction, travail de mise en scène (décor et accessoires, gestes et déplacements du personnage).

Oral :

-Organiser le « procès littéraire » du narrateur.

-Organiser un débat sur les conduites à risques (possibilité d’interdisciplinarité avec le cours d’Éducation Civique.)

Écrit :

-Mettre en forme une fiche de lecture de la nouvelle.

-Créer la première et la quatrième de couverture.

-Écrire à Ella Balaert, pour donner l’opinion générale de la classe sur sa nouvelle et ses éventuelles remarques et critiques.

Lecture :

-S’initier à la lecture cursive à partir du roman La Lettre déchirée d’Ella Balaert (questionnaires de lecture disponibles sur le site weblettres.net).


      [1] La lettre déchirée,  Flammarion, à partir de 10 ans

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