– littérature

Août 2020 : Restes d’enfance

Que mangeait-on enfant ? Que nous en reste-t-il ?

Où je raconte la langue (de bœuf) que préparait ma mère (ce qui me remplissait d’effroi) et ses gâteaux à la peau de lait…

Venez vous régaler de bonnes recettes pas chères et de bons textes d’une quarantaine d’écrivain.e.s, de chef.fe.s, de journalistes culinaires dans ce recueil édité par l’association Vrac, qui favorise le développement de groupement d’achats de qualité, issus de l’agriculture paysanne/biologique et équitable, à prix bas, dans les quartiers populaires des grandes villes.

EXTRAIT :

« Dans le frigo de ma mère, à Avranches, il y avait toujours poireaux, carottes, oignons. En général, ils servaient au potage du soir. Mais parfois le dimanche, ou pendant les vacances, quand elle avait le temps, quand elle était d’humeur, ma mère demandait au boucher un morceau de viande pas cher et préparait une langue de bœuf. Je  la regardais  faire avec une grande répugnance.  Elle me laissait sans voix, cette langue rose et molle, tranchée vif, sectionnée, gisant sans corps sur la table de la cuisine.  Il fallait d’abord la faire mariner toute une nuit dans une eau vinaigrée. Puis ma mère la frottait avec les mains pour enlever impuretés et sang, la rinçait, la plongeait dans une marmite d’eau avec les légumes. Enfin, quand la langue avait cuit trois bonnes heures, il  fallait en décoller du dos une sorte de peau blanchâtre, recouverte de rugosités affreuses,  comme de petites cloques, et je regardais avec une fascination horrifiée ma mère glisser la pointe du couteau sous cette membrane pour pouvoir ensuite la retirer.  Je sentais sur ma propre langue cet arrachement – de m’en souvenir, j’en ai de nouveau la sensation sur le bout de ma langue. Mais ensuite, si on surmontait cette épreuve,  arrivait un certain plaisir.  Car c’est langoureux, une langue. Ça fond en bouche. On n’a pas besoin de mâcher, ni ses bouchées ni ses mots. Parce que c’est tout tendre, au fond.  Pas au sens de tendresse, pas au sens de langue avec des mots, parce que celle-ci  sert à lancer autant de gentillesses que de petites piques (des vacheries),  mais au sens de tendreté de l’organe musculeux (du bœuf). Et surtout, la sauce aux cornichons ou aux câpres qui piquait un peu mais qui,  en occupant ainsi  les papilles, faisait oublier la nature du plat, était délicieuse.

(…)

L’écume, la peau, la langue… On cuisine les mots comme on prépare les mets, certains sont piquants, d’autres plus doux, mais tous ont du corps et une âme, l’essentiel étant de mettre en bouche et d’ouvrir l’appétit. »

Avec Guillaume Cherel, Yahia Belaskri, Boris Tavernier, Fred Ricou, Régine Quéva, Robert Colonna d’Istria, Elisabeth Scotto, Dominique Memmi, Sophie Chabanel, Michel Quint, Samuel Aubin, Rachid Santaki,Esterelle Payani, Paule Masson, Nadia Hatroubi-Safsaf, AnneLaure Pham, Nathalie Helal, Anas Alaili, Ryoko Sekiguchi, Élisabeth Scotto, Marie-Laure Fréchet, Clémence Dénavit, Hocine Ben, Alexis Jenni … et d’autres talents encore.

A pré-commander  auprès de l’association VRAC :  11 rue Ollier, 69100 Villeurbanne. Livré après le 15 août.

Pour toute question : boris@vrac-asso.org

 

 

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